Monday 26 May 2014

les 10 phrases à ne jamais dire à un prof expatrié en Angleterre

 #1 alors comme ça tu es bien payée pour ne rien faire? 

Comment ne pas m'empêcher de rire comme une démente ou de balancer ma tasse de thé dans la tronche de celui qui me pose cette question? Car oui cette question, je l'ai déjà entendue et maintes fois. Je trouve ça vraiment déplacé et de mauvais goût. Passer ma vie à faire en sorte que les élèves progressent et soient à l'aise en français est une bataille permanente. Je ne compte même plus les heures extra que je passe pour aider la centaine d'adolescents que j'enseigne et qui affectent ma vie privée. Et ça ce n'est pas rien. 


 #2: ça a l'air vachement plus facile d'être prof en GB qu'en France!

Alors non, ce n'est pas plus facile mais différent. En France, normalement on doit passer par un master et un concours qui est certes difficile mais théorique. Après toute la pratique semble se faire d'elle même. En Grande-Bretagne, on se fait évaluer au niveau pratique et théorique tout le temps et toute sa vie de prof. Beaucoup de gens craquent car ils ne supportent pas le stress de cette évaluation constante. Nuance.

 #3: si t'as des enfants, tu devrais savoir comment tenir une classe 

Ce n'est pas parce que tu sais mettre un pansement que tu es infirmière. Avoir des enfants n'a rien avoir avec l'enseignement ou la gestion de classes. Le prof fait cours, il ne dirige pas une colo. Je connais x excellents profs qui ne veulent pas avoir d'enfants et des parents qui ne savent pas tenir leurs enfants et qui sont de bons profs etc. 


 #4: je me souviens finir l'école vers 3h donc tu dois quitter l'école super tôt tous les jours non? 

Si on compte les cahiers et les copies à corriger, les leçons à préparer, les emails à envoyer, les photocopies à faire, les projets extra-curriculaires à s'occuper et toute la paperasse administrative à remplir, je quitte rarement le boulot avant 17h/18h et ceci est un record en comparaison avec l'année dernière mais souvent je ramène du travail à faire chez moi le soir ainsi que le weekend.



 #5: n'importe qui peut être prof d'une spécialité si tu es allé à la fac... 

...mais il n'est pas donné à tout le monde d'avoir la passion de transmettre un savoir, de la patience, de la dédication, de la bienveillance pour ses élèves... 

 #6: tu travailles dans [nom d'un quartier londonien], tu dois être dans une école super difficile? 

Je travaille dans un quartier difficile et pourtant je suis dans une école jugée excellente. Il y a aussi des écoles dans le centre de Londres qui craignent affreusement! Je suis passée par là en janvier dernier si vous vous souvenez

#7: et tu as combien d'indiens dans tes classes? Ah ils doivent tous bosser dur alors! 

Je déteste quand on me fait cette remarque car c'est à la limite du racisme. On ne peut jamais faire de généralité en parlant d'une nationalité. J'ai beaucoup d'élèves qui veulent progresser mais souvent parce qu'ils sont encouragés à l'école grâce à d'excellents profs et grâce aussi à leurs pqrents. Il y a aussi des élèves qui ont peu de motivation, qui ne voient pas l'intérêt de l'école, bref DES ADOS quoi. 


 #8: allez tu peux sortir en semaine, c'est pas comme si tu devais préparer tes leçons pour demain!

Alors si, je prépare mes leçons tous les jours. Quand j'ai tout préparé à l'avance, il m'arrive de faire des concessions mais ça reste très rare. Désolée mais je sors peu ou quasiment jamais en semaine car je suis souvent fatiguée et le sommeil est quelque chose que je privilégie sur mes sorties. Si je suis fatiguée le lendemain en cours, je sais que je serais moins réceptive aux questions ou aux besoins de mes élèves et je serais bien plus irritable ce qui pourrait entraîner du travail supplémentaire et inutile. Par contre je fais ce qui me plait le weekend.

   
#9: en France, les élèves sont vachement plus gentils qu'en GB. 

Encore, il est assez mauvais de faire des généralités. Cependant je dirais que c'est une question d'évolution de génération. Je remarque un peu partout que le comportement change mais en Angleterre les élèves ont une relation très différente et assez personnalisée avec leurs profs. Après tout, en GB il est tout à fait normal d'offrir un cadeau à son prof lors de son propre anniversaire. (Et vive les chocolats pour la 4ème fois de l'année)




#10: et tu préférerais pas travailler en France alors?

Eh bien non car je pense que c'est plus intéressant pour moi de travailler en GB surtout en ce qui concerne de la personnalisation de l'enseignement, de la différentiation et des moyens employés par le gouvernement britannique. Du moins pour le moment, j'apprends énormément de choses que n'aurais peut-être pas apprises en France. Si un jour j'ai envie de rentrer, je le ferai mais pas tout de suite. 

Thursday 22 May 2014

SRE ou comment je me suis retrouvée à enseigner un cours d'éducation sexuelle et religieuse

En tant que prof principal d'une classe de 6èmes en Angleterre, on se retrouve à être un peu responsable de tout: on contrôle le comportement et la ponctualité de nos élèves, on vérifie l'uniforme, leur progrès global dans leurs leçons, qu'ils lisent leurs bouquins afin d'améliorer leur degré d'alphabétisation et qu'ils participent bien à pleins de clubs, tout ça tout ça. Mais en plus, tous les quinze jours, on se retrouve à leur faire un cours de ce qui pourrait être plus ou moins de l'éducation civique en France sur des sujets comme "le travail d'équipe", "le cyber-harcèlement" mais plus récemment on a dû parler de puberté et des changements physiques et émotionnels que cela entraînait. FUN!

Comment dire? Je ne me sentais pas tellement d'expliquer à des enfants (car oui quand on a 11 ans et qu'on collectionne des stylos à paillette ou des stickers de la ligue des champions , je considère qu'ils sont encore des enfants) mais la leçon étant déjà prête, je n'avais qu'à la délivrer avec très peu de préparation.

Le jour J, nous avons séparé la classe en deux: les garçons à gauche et les filles à droite pour faciliter les mini débats et puis nous avons élaboré quelques règles:
- on utilise que les termes appropriés pour les parties du corps
- personne n'est forcé de participer aux débats ou de répondre à des questions
- on ne se moque pas des commentaires de ses petits camarades quel qu'ils soient.

Puis en fait ça s'est carrément mieux passé que ce que je redoutais, les gamins étaient très matures et n'ont pas fait de commentaire idiot mais j'ai eu droit à de drôles de questions:
"pourquoi est-ce que les dames portent des couches?"
"est-ce que ça fait mal à la gorge de muer?"
"c'est quoi les règles?"
"est-ce que c'est normal de sentir mauvais?"
"madame, j'ai pleins de poils partout, c'est normal? Et est-ce que les filles ont les poils qui poussent aussi?" (ce à quoi toutes les filles ont acquiescé dans un soupir).  

Franchement je ne sais pas comment j'ai fait pour garder mon sérieux tout du long mais en tout cas, ça s'est super bien passé. On a regardé des vidéos qui expliquaient les changements émotionnels qu'entraînait la puberté comme celle-ci qui est en plus très drôle:

Donc au final, une très belle expérience qui me permet de cocher un des standards de prof qui consiste à "aborder des sujets sensibles sans heurter les croyances de la moindre communauté ou religion", ce qui n'arrive quasiment jamais en cours de français! Donc hurray for me! Et puis cela m'a permis de me rappeler qu'il fallait que je sois un peu plus patiente avec mes grands boutonneux de 3èmes dont la plupart sont en pleine crise d'adolescence. Les pauvres petits...